Primaires: vers une démocratie ouverte

Publié le par RGS

 Par ROGER-GÉRARD SCHWARTZENBERG ancien ministre, président d'honneur du Parti Radical de Gauche (PRG).

Dans le bureau de vote de la rue Saint Mathieu dans le quartier de la Goutte d'Or ( Paris.18eme) 

 

Ayant déposé à l'Assemblée nationale en février 2006 une proposition de loi pour l'organisation de primaires, il me paraît utile, à leur issue, d'en dresser un bilan objectif qui ne méconnaisse pas les améliorations encore nécessaires.

Le but principal a été atteint: démocratiser le mode de désignation du principal candidat de l'opposition à l'Elysée. En passant d'un système clos, réservé aux seuls adhérents, à une procédure ouverte, accessible aussi aux sympathisants et aux électeurs. En remplaçant donc ce suffrage restreint par une participation beaucoup plus large.

En novembre 2006, 180.500 militants avaient voté aux primaires, alors «fermées», qui avaient investi la candidate socialiste à l'élection présidentielle de 2007. Le 16 octobre dernier, 2,8 millions de votants ont pris part à ce choix. Soit quinze fois plus. Ce processus de démocratie ouverte, rompant avec le huis clos des partis, a donc donné lieu à une forte mobilisation électorale ainsi qu'à une large audience des débats télévisés, le dernier ayant été suivi par près de 6 millions de personnes.

Vers des primaires globales de l'opposition

Toutefois, conformément à la proposition de loi de 2006, il convient d'améliorer encore ce système sur trois points principaux.

D'abord, ces primaires gagneraient à devenir des primaires globales de l'opposition, organisées conjointement par ses diverses formations. Pour agir comme une machine à rassembler. Pour fédérer une gauche encore fragmentée face à une droite désormais fusionnée dans l'UMP. Bref, pour permettre une certaine unité de candidature au premier tour de l'élection présidentielle.

Or, à la différence du PS et du PRG, les autres formations de la gauche de gouvernement (Europe Ecologie, Front de gauche, MRC) sont restées à l'écart de ce processus commun. En cédant au réflexe isolationniste du repli sur soi. En préférant l'esprit de parti à l'impératif du rassemblement.

Pourtant, un seul 21 avril suffit. Certes, vu les sondages actuels, la répétition du scénario de 2002 n'est pas l'hypothèse la plus probable. Mais, dans un contexte général très instable, elle ne peut être totalement exclue si les candidatures de gauche restent multiples au premier tour face à l'UMP, assurée d'un score important dès ce stade, et face à la progression du Front national.

Aux Etats-Unis, les primaires durent six mois

Barack ObamaEnsuite, le calendrier des primaires est aussi à revoir. Une campagne limitée en fait à six semaines apparaît trop brève. Une durée de ce type donne une prime aux compétiteurs déjà les plus connus et rend difficile la percée éventuelle d'outsiders, qui ont besoin d'un certain temps pour populariser leur candidature et leurs idées.

Aux Etats-Unis, les primaires s'échelonnent sur six mois. Sans ce délai, ni Clinton en 1992, ni Obama en 2008, personnalités alors émergentes, n'auraient pu être investis comme candidats à la Maison Blanche. Sans aller jusque là dans notre pays de dimension moins vaste, trois mois de campagne paraissent nécessaires.
Enfin, cette campagne devrait aussi servir à élaborer le projet présidentiel, au lieu que celui-ci soit prédéterminé avant cette compétition. Les primaires devraient permettre un large débat, sans entraves, où les divers candidats exposent et confrontent librement leurs propositions. Pour aboutir à un programme présidentiel défini non pas dans le cercle restreint des instances partisanes, mais dans un dialogue direct avec militants et sympathisants.

L'image contre le message

Or telle n'est pas la démarche qui a été retenue, le PS ayant fait adopter le projet socialiste par une Convention nationale au printemps 2011. C'est-à-dire avant les primaires fixées à l'automne. Ce qui a inversé l'ordre naturel des facteurs. Au lieu d'utiliser le débat des primaires pour en dégager une plate-forme finale, on a paradoxalement arrêté le projet présidentiel préalablement à celles-ci.

Cet agenda inversé a obligé les divers candidats socialistes à défendre tous le même document au cours des primaires, à faire chorus au lieu de suivre leur propre partition. Au lieu de pouvoir présenter des options qui ne soient pas uniformes, à quelques nuances et variations près. Dès lors, faute d'avoir la possibilité de se différencier réellement sur le fond, les candidats ont dû se distinguer surtout sur la forme. Sur le style et la manière d'être. D'où, malgré eux, une certaine accentuation de la personnalisation de la vie politique, le profil tendant à supplanter le projet et l'image venant à primer le message.

 

Au total, en dépit de ces imperfections qui peuvent être aisément corrigées, les primaires ont marqué un réel progrès de la démocratie. En accordant aux citoyens un nouveau droit: celui de décider par eux-mêmes, d'intervenir directement dans les choix majeurs. D'où leur implication active qui contraste avec le désintérêt RGSmanifesté pour les dernières élections européennes, régionales et cantonales, caractérisées par une très forte abstention.

Pour leur part, les primaires contribuent à dissiper cette désaffection pour la vie publique. En la rénovant véritablement. En amorçant le passage d'une société politique fermée, naguère monopolisée par les partis, à une démocratie ouverte, accessible à tous.

Déjà, Pierre Mendès France préconisait une « démocratie de participation » qui permette une citoyenneté active. On commence désormais à l'entrevoir.

 

  Roger Gérard SCHWARTZENBERG

Publié dans Actualités Radicales

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